« LA LIBERTÉ N’EST PAS UNE MARQUE DE YOGOURT » – FALARDEAU

carré rouge éveilEn ce premier jour du sommet de l’éducation de Mme Marois, qui se trouve d’ailleurs à quelques coins de rue de chez moi, je retourne intuitivement dans mes archives papiers – de ces textes porteurs que je collectionne comme autant d’échos inspirants – pour y récupérer un programme de théâtre datant de 2005 et que j’avais conservé, soit pour le mot de l’auteur de la pièce, Normand Canac-Marquis. La pièce de théâtre en question avait été présentée par des étudiants de l’Uqam dans le cadre de leur formation en théâtre.

 Ce matin, en rouvrant le dit programme pour partager avec vous le mot d’ouverture de Canac-Marquis, j’y découvre un carré rouge étampé sur une forte citation de l’un des personnages de la pièce : « Je refuse d’être endettée et de baiser la main qui crache ». Candide, page vingt-trois, acte 1, scène 3

Mettons que cela résume bien ma pensée face à la société faussement démocratique dans laquelle nous vivons. Souvent, j’ai entendu dire : ne mord pas la main qui te nourrit. Je n’ai jamais été d’accord avec ce dicton de mouton. Si cette main est sale parce que corrompue et que nous continuons de l’embrasser, ne finit-t-on pas par attraper de vilaines bactéries ? Autrement dit: nous sommes des esclaves-morts-vivants dans l’illusion d’être libre. Y’a pas plus triste. Aussi bien se jeter dans la gueule du loup.

C’est la peur qui nous maintient ainsi  dans la servitude. Rien d’autre qu’elle. Et quoi que je la comprenne, cette peur, parce que je la porte et qu’elle m’étreint parfois, je refuse de la laisser me mener au nom d’un confort matériel qui nous rend gris, conformes et bêtes bêêêêêêêêê. Pour sortir de notre torpeur et de cet endormissement collectif, faut réapprendre à réfléchir par soi-même. En commençant par débarquer au moins un pied de l’aliénante machine de la société capitaliste qui au fond, profite seulement à 1% du monde.

[J’OUVRE UNE PARENTHÈSE DE MISE EN GARDE:  Quoi que –et à bien y penser- mettre un seul pied hors du manège fou risquerait de vous laisser handicapé en vous arrachant ce dit-pied tandis que le manège fou poursuit son tournage/carnage. Alors, toute réflexion faite, je vous suggère de sauter à pieds-joints hors du manège-fou. Au début, vous allez sûrement vous sentir étourdi –et encore plus que lorsque vous étiez dans le manège. Mais n’ayez crainte, c’est un symptôme normal après tout ce temps passé à tourner en rond, l’atterrissage d’urgence ne peut se faire sans quelques secousses.  Ce symptôme peut donc durer de quelques secondes à quelques mois, cela dépend de l’anatomie mentale de chacun. Lorsque les étourdissements se calmeront et que vous croirez en avoir fini, viendra ensuite le GRAND vertige. Comme une sorte de crise panique liée à la peur du néant. Là encore, ne craignez rien, c’est normal. Cela pourra prendre plusieurs formes: pleurs, angoisse, anxiété, envie de retomber dans la drogue du manège fou… Lorsque ces symptômes de sevrages se seront atténués, tenez bon, le calvaire achève! Il vous reste à franchir l’étape finale avant la libération; un passage obligé (plus ou moins long selon votre degré de résistance) dans le tunnel de l’ennui. Tunnel au bout duquel vous verrez apparaître un arc-en-ciel de plénitude. Ce sera le signe évident de la magie d’une vie pleine et riche de votre présence à vous-même…  JE FERME LA PARENTHÈSE]

Ce faisant, en débarquant un pied du manège-fou, nous accédons à plus de temps libre; précieuse denrée pour un mieux-être tant individuel que collectif –je ne vous apprends sans doute rien de nouveau ici, mais se le rappeler est nécessaire pour la « sweet du monde ».

Le combat des étudiants pour plus de justice humaine ne date pas d’hier. Ironiquement, en 2005, quasiment à pareille date qu’aujourd’hui, le mouvement étudiant entamait une grève qui allait durer jusqu’en avril de la même année. Plus ça change, plus c’est pareil. 8 ans plus tard, l’histoire se répète parce que nous continuons d’élire les mêmes assoiffés-maladifs de pouvoir. Cela dit, je ne crois pas que Mme Marois soit aussi insensible que Charest ou Harper, mais à force de promesses non tenues, l’effet final est le même. Tant que l’ego dominera, le cri des étudiants sera entendu. Ce cri, il vaut pour nous tous, travailleurs, chômeurs, mères/pères monoparentaux, riches, pauvres, classe moyenne –c’est pourquoi, lors du Printemps Érable, nous avons pu voir autant de têtes blanches accompagner notre belle jeunesse échevelée – parce que ce soulèvement nous concerne tous. Le système actuellement en place nous appauvrit tous; financièrement, moralement, physiquement… –quoique nous martèle la cassette faussement rassurante des gouver-et-ment.

 Je pourrais continuer longtemps tant l’absurdité de notre système soulève en moi d’indignation…  Mais je terminerai sur une note d’espoir en partageant avec vous le fameux mot de l’auteur du programme de la pièce : Goël, le nom de dieu! Pièce qui avait été jouée au studio-théâtre Alfred-Laliberté (ça parle), dans une mise en scène de Louise Laprade par les étudiants de l’École supérieure de théâtre de l’UQAM, en avril 2005; mois où se terminait justement la grève étudiante de 2005.

« Je ne crois pas aux Églises à leurs prophètes et à leurs dieux
Et encore moins aux prêtres, aux imams et aux rabbins.
Je ne crois pas au nationalisme
Et encore moins aux chefs d’état et aux peuples élus.
Je ne crois pas en l’amour absolu et aveugle
Et encore moins à ceux qui le cherchent.
Je ne crois pas aux guerres de libération
Et encore moins à la motivation des généraux, des martyrs et des soldats.

 Je ne crois en rien de tout cela.

 Je crois à ceux qui méditent en silence
À la beauté des temples, des jardins, des chants et des livres
À la nécessité des cultures et de la différence
À la sagesse qui domine la peur
À la gestation de l’amour et de la tolérance
Aux révolutions tranquilles et à la marche des peuples.

 Je n’ai de foi que pour l’espoir ».  – Normand Canac-Marquis, auteur

 Le mouvement étudiant de 2012-2013 est donc la suite de tous les mouvements précédents. Car tant que nous serons dans les compromis (promesses de con), l’intuition d’être bafoués persistera ainsi que le devoir vital de nous exprimer.

 coeur en feutrineJe rêve du jour où ici, au Québec, nous ferons comme en Islande en mettant en prison les vrais coupables : les banquiers. Mais pas une prison à la Harpeur. Non. Plutôt une prison avec des plantes, de la musique de Bach et de l’Amour. Une cure de hautes fréquences vibratoires. Pas d’Internet, pu de nouvelles, non plus de jeux vidéo ou de télé. Dans cette prison, les coupables seront réhabilités en recevant une dose quotidienne de poésie et de contes, puis en faisant des travaux communautaires de jardinage en offrande aux plus démunis de la Terre. Aussi, dans cette prison, il y aura un programme d’artisanat à travers lequel les bandits à cravates devront transformer ce bout de tissus symbolique en vêtements pour enfants ou nappes de fête. Tout cela et plus encore, afin que leurs esprits de crapules se désencrassent et que de leur état fécal ils deviennent les féconds co-créateurs d’un monde réellement bon.

Étudiants de ce jour, étudiants de demain, êtres humains à l’école de la vie, je suis avec nous de tout cœur dans cette marche à la souveraineté.

Karo du 25 février 2013, portée par son ange pépère Latendresse

A propos Caroline Legault

Agricultrice d'émerveillement // Guide d'enfant intérieur // Diseuse d'Horizons... Arts de la scène, écriture, voix, chant. "Bien avant d'être une manière d'écrire, la poésie est une façon d'orienter sa vie, de la tourner vers le soleil levant de l'invisible" - Christian Bobin
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6 commentaires pour « LA LIBERTÉ N’EST PAS UNE MARQUE DE YOGOURT » – FALARDEAU

  1. Notabene dit :

    Pas facile de s’affranchir de ceux qui nous gouvernent (au sens large) et des messages anxiogènes transmis par les médias, c’est parfois déroutant : manque de repères, d’encouragements à la différence, voyage vers l’inconnu. Merci pour ces bons mots et surtout cette note d’espoir (tu reconnais mon besoin d’optimisme, et le tien aussi je crois). Ça vaut le coup de prendre sa liberté, quelle qu’elle soit, en conscience, c’est enrichissant, exaltant. Ça me permet de découvrir qui je suis vraiment et c’est un chemin nourrissant !

  2. Karo Lego dit :

    L’un de mes contacts twitter vient de m’envoyer un lien vers un article qui parle d’une prison semblable à celle que j’ai imaginé dans mon billet de blogue. Elle se trouve en Norvège. Me semble que les pays scandinaves ont une longueur d’avance en matière de gros bon sens. Ça me donne le goût d’aller y vivre un peu, histoire de prendre le pouls 😉
    Toujours est-il que, voici le lien vers l’article en question: http://www.guardian.co.uk/society/2013/feb/25/norwegian-prison-inmates-treated-like-people

  3. Lisa Drouin dit :

    C’est toujours un petit ou grand velours de lire tes billets ! Ta façon d’exprimer ta perspective en faisant un clin d’œil et pied de nez épistolaire.
    J’adore le titre de celui-ci !
    « Souvent, j’ai entendu dire : ne mord pas la main qui te nourrit. Je n’ai jamais été d’accord avec ce dicton de mouton. Si cette main est sale parce que corrompue et que nous continuons de l’embrasser, ne finit-t-on pas par attraper de vilaines bactéries ?  »
    J’appelle ça un autre mot moins éloquent, de la prostitution légale …
    Bisous ! Merci !

    • Karo Lego dit :

      @ Lisa Drouin… Wow! Merci pour ton écho. J’aime aussi beaucoup ce titre -idée de mon chum 😉 Tu as tout à fait bien résumé mon dicton de mouton 😉
      Merci à toi!

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